samedi 24 janvier 2009

Le Mur de Berlin

D'abord, merci de revenir me lire après ces (trop nombreux) mois de néant. Ça fait chaud au coeur, et j'ose espérer que mes propos, aussi niaiseux soient-ils parfois, apportent quelque chose de pertinent à ce qu'on a vécu, et à ce que vous vivez.

Donc.

Le soir où ils sont nés, au début du mois d'octobre, ma blonde s'installe dans une chambre alors que moi -- j'ai encore l'usage de mes deux jambes, voyez-vous, contrairement à ma blonde, qui vient de subir une césarienne --, j'amène les bébés à ce qui s'apparente à une pouponnière. (Vous me demandez les noms, et je ne peux pas, malheureusement... En raison de mon statut de star interplanétaire, je serais immédiatement démasqué.)

-Bonsoir!, me dit l'infirmière de fonction, qui fait quelque chose dont je ne souviens plus. Elle s'agite, mais en même temps elle est d'un calme monastique, et je me dis que c'est rassurant. Elle est clairement d'ascendance arabe, et pour des raisons que j'ignore, ça me rassure. (Je ne suis pas d'ascendance arabe.)
-Bonsoir...
-Ah des jumeaux!, s'exclame-t-elle. (Merde, il y a un bébé qui dort juste à côté, elle va le réveiller! Mais non. Il est âgé de 3 heures, il dort comme une brique.) -Alors ce sont des bébés FIV?
-Heu, oui. (Dans le contexte, y a-t-il une autre réponse possible? Pourquoi mentir? De toute manière, c'est écrit GROS DE MÊME dans le dossier médical.)
-Donc ils sont très précieux...
-En effet...

"Précieux", qu'elle avait dit. Quatre mois plus tard, c'est encore vrai. Autour de notre maison, il y a un Mur de Berlin. Vous avez un rhume? Restez chez vous, svp. Vous en avez eu un la semaine dernière? Est-ce que vous coulez? Pas vraiment? Attendez encore une semaine. D'ein coup que vous couleriez du nez au mauvais moment... Non, non, vraiment, restez chez vous, ciboire de crisse. Une gastro? HEILLE TABARNAK, déjà qu'on est brûlés ben raide avec la vie réduite à son plus strict minimum, on a tu l'air de vouloir passer nos nuits entières à torcher deux bébés en plus???

Ainsi va notre vie: repousser la maladie. Franchement, je sais pas si on va les sortir de la maison un jour. Pour l'instant, on a une bonne raison: il fait -19 degrés Celsius à Montréal.

Nos bébés ne sont pas plus précieux que ceux de nos voisins, dit ma blonde. La différence, c'est qu'on s'est frotté malgré nous à la précarité. "Tout ne va pas toujours bien. Nous, on s'en est rendu compte et les autres, non...", dit-elle. "On a appris que toutes les situations peuvent être bien précaires."

2 commentaires:

icsi074 a dit...

"Précieux".
C'est clair.

je pense que les personnes qui n'ont pas traversé le désert de l'attente, des doutes, des espoirs et des échecs auront tendance à ne pas réagir "comme nous" sur certaines choses ou "oublier" la chance qu'ils ont... parfois.
"Nous", forgés et meurtris à la fois par cette expérience qu'est la PMA... on sait quelles sont les vraies valeurs dans la vie, du moins, on en prend plus facilement conscience.

J'aime lire ce blog, car il est "vrai", il est teinté d'humour, et il est écrit avec une maturité et un recul qui me plait.
Et même s'il n'est pas mis à jour souvent, c'est pas grave.
J'apprécie avec grand plaisir chaque petite tranche de vie qu'il m'est donnée de lire par ici.

Bises.
Icsi074, au féminin.

JvH a dit...

Hahah, chez moi c'est pareil (surtout que j'habite à Berlin, alors j'ai même pas eu à construire le mur!), et les rares qui arrivent chez nous sont priés de se laver les mains et d'enlever leurs chaussures!!! En même temps on a passé une semaine en néonatalogie, où on devait se désinfecter les mains dès qu'on touchait quelque chose, ça marque!