jeudi 31 janvier 2008

Étude anthropologique

Près d'un an après notre toute première visite à la Clinique d'infertilité, on y est retourné ce matin pour une échographie et pour signer des formulaires de consentement. Ça s'est bien passé. Si tout se déroule comme prévu -- ou plutôt, comme "souhaité" -- on effectuera le transfert d'un ou deux embryons congelés d'ici deux à trois semaines.

Vous savez, la visite m'a donné l'occasion de vous observer un peu. Je parle de vous, messieurs. Vous êtes si mal à l'aise que c'en est devenu comique. Non, touchant. Et je parie qu'il y a un an, d'autres pensaient la même chose de moi.

Je peux comprendre que certains d'entre vous préférez laisser madame s'occuper de toutes les négociations médicales, de toutes ces petites choses à faire et à demander. En ce qui me concerne, l'efficacité de ma blonde est si redoutable à ce chapitre que de m'y foutre le nez plus qu'il ne faut, bien franchement, ne ferait pas avancer les choses. Alors votre silence, je concède qu'il s'explique. Mais votre manière d'être, par contre...

On se divise en quelques grandes catégories. Personnellement, j'ai été à la fois 1 (au début), 3 (honnêtement, parfois la job c'est demandant pour tout le monde, non?) et 4 (depuis un certain temps).

1-Le paniqué: il n'en croit pas ses yeux d'être là et de voir que ce matin, 13 couples souffrent du même problème, son regard est essentiellement celui d'un lièvre surpris par une voiture.

2-Le nonchalant: il n'a pas l'air de comprendre que son épouse a besoin de soutien, il passe son temps sur l'ordinateur de la salle d'attente.

3-Le pressé: emmerdé par ce rendez-vous mal foutu dans son horaire (non mais tsé, 8h15 un jeudi matin!), il vérifie son BlackBerry pour voir s'il a des courriels, n'ayant pas l'air de saisir que l'infertilité pour laquelle il consulte un médecin présente un défi plus grave que le rapport de merde qu'il doit livrer demain à son patron.

4-L'ultra cool: lui et sa blonde en sont à leur 13e visite en deux mois, une fréquence qui les a mis sur un certain niveau d'intimité avec le personnel: petits acquiescements, connaissance du prénom de telle ou telle secrétaire, "Ah bonjour!", etc.

N'oublions pas, messieurs, la plus importante catégorie (à laquelle j'ai appartenu aussi, à un certain degré):
5-Le nouveau dépositaire: il vient d'aller dans la "pièce intime" pour "faire un dépôt"; a trouvé ça plutôt agréable, ce petit moment à lui tout seul; constate, horrifié, qu'il doit faire une centaine de pas entre ladite pièce et le labo; doit croiser le regard de cinq ou six couples assis dans le couloir; doit faire comme s'y de rien n'était tout en se baladant dans un couloir de clinique avec une grosse bouteille pleine de sperme dans la main gauche; ne dira peut-être pas à sa blonde les "aides audiovisuelles" que la Clinique a installées dans la pièce pour faire en sorte qu'il soit plutôt facile d'effectuer ledit "dépôt" à des heures aussi matinales.

J'en oublie sûrement...

dimanche 27 janvier 2008

C'est un (re)départ

On l'a tous entendu, sur divers tons et dans divers contextes, parfois sur un mode moralisateur, parfois sur un mode plus neutre. "Tu vas voir, quand tu vas avoir des enfants, c'est beaucoup moins facile de [insérer quelque activité mondaine ici]" ou bien encore "Avant d'avoir ma petite fille, moi aussi je pensais ça, mais tu sais, je me dis que..."

Tsé quoi mon cher ami? On n'a peut-être pas d'enfant, mais être en traitement d'infertilité, ça veut dire que nous autres non plus, on peut pas partir demain matin pour aller dans le sud, ou un p'tit weekend de chalet à Mont-Tremblant. Le calendrier devient un casse-tête continuel. Notre temps de vacances, il s'engouffre journée par journée dans les rendez-vous à la Clinique. Notre argent, aussi...

Remarquez, ma blonde et moi sommes beaucoup, beaucoup plus équilibrés qu'il y a un an, lorsque le diagnostic est venu "changer" quelques détails de notre vie. "Quand les gens nous disent que les enfants ça change la vie", a toutefois dit ma blonde hier, "j'aurais le goût de leur dire que le fait de ne pas pouvoir en avoir, ça aussi ça change la vie."

Alors cette semaine, chères lectrices (et lecteurs!), on se remet en mode Clinique d'infertilité. Après la FIV/ICSI du début de l'hiver qui n'a pas fonctionné, on a attendu un peu. Mais! Mais on a encore quatre embryons congelés (tous des blastocystes), par paires de deux.

Si tout se déroule bien (touchons du bois), on tentera un transfert dans les prochaines semaines. Avec tout ce que ça comporte: rendez-vous, acrobaties d'horaires, un peu de stress, mais surtout... injections de progestérone intramusculaires.

Celles qui ont déjà vécu ça "savent" de quoi je parle. Malgré sa longueur (un pouce et demi) et son diamètre, la seringue dans le fessier de madame ne fait pas plus mal que les injections sous-cutanées sur le ventre. Mais la progestérone se trouve dans une huile de sésame très épaisse, ce qui rend la diffusion dans le muscle beaucoup plus longue. Ce qui, évidemment, rend l'expérience assez douloureuse lorsque, les premiers jours, on a pas encore compris qu'il serait peut-être bien de mettre un Sac Magique dans la région...

Ce que ça veut dire aussi: le retour du crayon feutre Sharpie pour bien identifier les cibles! Paraît qu'un nerf sciatique, c'est sensible.

mardi 22 janvier 2008

Projet spécial

Anecdote de travail.

Mon collègue et moi sommes convoqués dans le bureau du boss. "On a un projet spécial pour vous deux, mais faut faire vite, genre d'ici la fin de la semaine", nous annonce le boss. Gloups. Disons qu'on n'a pas le choix. Pour un paquet de raisons, dont certaines sont valables, d'autres moins.

Le boss poursuit. Il nous dit que c'est à cause de ça et ça, aussi ça, pis voyez-vous, ben, "le projet spécial qu'on va remettre à la semaine prochaine, ben, la fille qui s'en occupe est un peu surchargée ces temps-ci, on lui en a demandé beaucoup, pis elle est enceinte, alors..."

Hmph.

Le mauvais côté, c'est que, encore une fois, pas moyen de passer deux heures sans que quelque chose, quelque part nous rappelle que quelqu'un dans le coin attend un bébé pis, ben r'garde donc ça, c'est pas ta blonde! Le bon côté, c'est que c'est encore une fois la preuve qu'on a un des meilleurs boss qu'on a jamais eues au bureau. J'écris "eues" parce que c'est une femme.

Bon. Finalement le projet m'amuse, alors voilà.

samedi 19 janvier 2008

Précieux

Si l'infertilité a quelque chose de positif, c'est qu'elle nous fait comprendre très, très vite qu'un enfant, c'est précieux.

L'épisode se déroule dans un autobus. J'attends de débarquer, comme la cinquantaine de passagers. Soudain, deux voix s'élèvent derrière ma tête. Une femme en accuse une autre de l'avoir poussée. Ça crie, ça s'engueule. Ça se pousse assez violemment. À 30 centimètres, littéralement, de moi. Puis, des coups de poing. Vous avez bien lu. Je me lance dans la mêlée, leur dis que ça ne règle rien, tout ça. Comme une autre passagère, d'ailleurs. Au bout de 20 secondes, les choses se calment un peu, même si ça crie encore. Et là, je constate qu'à côté des deux femmes, il y a une jeune mère AVEC UNE POUSSETTE, qui me regarde avec des yeux plutôt incrédules.

Si j'avais vu plus tôt, j'aurais probablement eu autre chose à dire aux deux imbéciles. Il y a cinq ans, il y a un an, cette réaction n'aurait peut-être pas été la toute première sur la liste. Aujourd'hui, c'est con, mais j'aurais voulu leur faire la morale.

Autre exemple. Au bureau, il y a des fumeurs. Des gens qui se les grillent depuis 25, 30, probablement même 40 ans. Les statistiques ne mentent pas: le cancer du poumon frappent des gens qui ont 60 ans en moyenne. Pourquoi j'en parle: certains de ces collègues ont des enfants en bas âge. Et ça, si vous saviez à quel point c'est triste. Et injuste. Le p'tit gars, son papa ne le verra peut-être même pas traverser l'adolescence, c'est tout dire. Pourquoi avoir des enfants si on continue de se laisser mourir à petit feu? Oui, oui, la nicotine, je sais.

Des petites observations comme ça.

samedi 12 janvier 2008

Le dire

Au travail, les gens sont plutôt intelligents. Il y a parfois, cependant, des conversations complètement surréalistes, celles où la personne qui nous entretient sur le plaisir d'avoir des enfants aurait tellement, mais tellement honte si elle savait que la personne en face (c'est à dire votre humble serviteur) souffre d'infertilité. Conversation vécue avec un homme dans la cinquantaine.

-Alors, ta blonde, elle est revenue de ses études à l'étranger?
-Heu oui, ça fait un an et demi...
-Alors, les enfants? Vous êtes prêts, là, non? Bing bang...
-Oui oui, ça viendra...
(à ce stade-ci je commence déjà à décrocher de la conversation, et honnêtement je gagerais 10$ que mes yeux commencent à tanguer vers l'arrière. Je déteste les gens qui insistent.)
-Non mais, je te l'dis hein, n'attends pas. T'as quel âge?
-33.
-Écoute, j'ai eu les miens fin trentaine, et il vaut mieux les avoir jeune.
(il continue en disant que c'est plate d'avoir un ado en pleine forme lorsque soi-même on est un genre de vieux monsieur qui se casse des os)
-Oui oui, c'est certain...
(et là je me dis "Non mais à quoi il pense? Est-il convaincu qu'au fond, j'hésite à avoir des enfants? Ça doit être ça. Le gros préjugé du genre "T'es un gars de 33 ans pis t'as pas d'enfants, donc tu dois tripper sur ton char, c'est ça? Tu passes tes semaines à sortir pis t'es incapable de t'asseoir et de t'occuper d'un p'tit, c'est ça?")
-Tu vas voir. Quand t'as des enfants, ça te donne, comment je dirais, ça te donne une motivation additionnelle dans la vie.
(oui merci. c'est vrai qu'avec la tête que j'ai, après tout ce que j'ai fait dans ma vie, on me prend assez souvent pour un imbécile dépressif qui ne sait pas comment s'amuser dans la vie ni se motiver. Non vraiment, merci beaucoup, je l'apprécie, je n'avais jamais, mais JAMAIS!, pensé que des enfants me donnerait ce p'tit oumf qui comblerait mes heures de loisir et mon bien-être mental.)

De manière générale, il est super gentil. Mais honnêtement, ce jour-là, avec ce sujet-là, j'aurais eu le goût de lui dire tout calmement de se la fermer. Pas compliqué: lorsque tu vois, mon vieux, un gars et un fille dans la trentaine avec des bonnes jobs et pas d'enfants, généralement c'est qu'il y a un problème. Alors collègue, ferme-la, svp.

Fin de l'éditorial. Pour l'heure.

mercredi 9 janvier 2008

Le début... après deux ans

Ce blogue veut tout simplement raconter des tranches de vie... du point de vue du gars infertile. Remarquez, le point de vue n'est pas forcément différent de celui de ma blonde, mais bon, s'il y a des gars qui veulent lire un blogue, disons, écrit par un autre gars (sait-on jamais), le voici.

Quelques infos: j'habite Montréal. Et au travail, toutes les filles sont enceintes. Genre. Et parmi les amis, tout le monde a des enfants. Genre. On a appris à l'hiver 2007 que je souffre d'infertilité. Je donnerai éventuellement quelques détails. Aujourd'hui, on démarre le blogue.

Pis nous, entre-temps, disons qu'on essaie tout simplement de pas trop capoter.